Quelle est cette voix intérieure qui nous parle, nous exhortant à faire le bien et à nous abstenir du mal? D’où vient-elle? Comment sait-elle si quelque chose est juste et bénéfique?
Une voix qui nous conseille
Lorsque nous sommes en train de décider comment agir face à une situation difficile, nous entendons parfois en nous-mêmes une voix qui nous parle. Celle-ci se manifeste également lorsque la décision est déjà prise et que nous passons à l’acte. Tout le monde a certainement fait cette expérience de nombreuses fois, bien qu’elle se manifeste un peu différemment chez chacun. Certaines personnes entendent moins une voix qu’elles n’éprouvent un ressenti ou ont des pensées correspondant à ce que leur conscience leur transmet. Quelle que soit la manière dont cette transmission se passe, on parle quand même de voix de la conscience.
Cette voix est désignée comme étant notre voix intérieure, car nous l’entendons en notre for intérieur et non comme si elle provenait de l’extérieur, par nos oreilles. On l’appelle aussi la voix de la conscience, car elle nous conforte dans nos bonnes résolutions, mais nous avertit lorsque nous allons faire quelque chose de mal. La conscience de l’être humain est en effet la faculté spirituelle qui lui permet de porter des jugements de valeur morale sur ses actes. Autrement dit, de savoir si ce qu’il a décidé de faire est bien ou mal, juste ou injuste. La voix de la conscience vient donc de l’esprit, le moi réel de l’être humain (son âme), et non du cerveau. Ce dernier étant de matière, il est limité à la compréhension des choses matérielles comme lui. L’intellect est donc incapable de saisir les valeurs morales, puisque celles-ci sont supra-terrestres.
Les valeurs morales
De nos jours, la morale est quelque chose de mal vu. Elle est rejetée par bien des gens comme étant un ensemble de règles et de conventions humaines qui, par leur caractère restrictif, empêchent le libre épanouissement des individus. La morale cependant n’est pas un code de conduite arbitraire que l’on pourrait accepter ou rejeter selon ses désirs personnels. Les valeurs morales n’ont pas été créées par les êtres humains. Elles viennent d’en haut et expriment ce qui est bon pour le développement de l’esprit humain, par conséquent ce qui le conduit vers le bonheur. Seul l’esprit qui vient d’en haut, du plan spirituel, peut les saisir.
L’honnêteté, par exemple, crée des situations claires et justes. Elle engendre la confiance entre les êtres humains. Elle leur donne une base solide pour un développement ultérieur harmonieux et bénéfique. À l’inverse, la tromperie et le mensonge amènent des situations conflictuelles, la méfiance, la haine, le désir de vengeance…, toutes choses qui empêchent la paix et le bonheur. Recommander à quelqu’un d’être honnête n’est donc pas le pousser à respecter des exigences abstraites, mais se conformer à une réalité concrète et bénéfique.
Généralement, lorsque nous sommes confrontés à une situation problématique, nous essayons de l’aborder d’une manière rationnelle. Nous réfléchissons par conséquent avec notre cerveau et en tirons certaines conclusions. Mais notre esprit a aussi son avis sur la question et il le fait savoir par la voix intérieure. Son point de vue sera moral, car les hautes valeurs spirituelles sont en lui.
La voix de la conscience nous met en garde, exhorte et avertit. Elle nous encourage à prendre des décisions bénéfiques et nous dissuade d’opter pour ce qui est malfaisant et destructif. C’est elle qui nous exhorte en disant : « Fais ceci, c’est bien ! » ou « Ne te tais pas ! », « Dis la vérité » ou encore « Ne fuis pas tes responsabilités, engage-toi et assume ! » C’est aussi elle qui nous dit : « Ne fais pas cela, ce n’est pas bien… » ou « Comment peux-tu être si brusque, irrespectueux, ingrat… ; ne traite pas cette personne comme cela ! » ou encore : « Ce que tu viens de dire est faux, tu te trompes, corrige-toi ! »
Notre bien-être intérieur dépend de notre bonne conscience
Le fait de se sentir bien ou mal au cours de la vie dépend en grande partie de la manière dont nous avons réagi à ce que nous disait la voix de notre conscience.
Quelqu’un qui suit la voix de sa conscience est calme intérieurement. On dit qu’il a la conscience tranquille ou en paix. Ce ressenti est légitime, il est en harmonie avec lui-même et avec les hautes valeurs. De plus, ayant semé quelque chose de bénéfique, il récoltera en conséquence. Il peut donc envisager l’avenir avec confiance, en tout cas en ce qui concerne cet acte.
Comme le disent différents proverbes, quelqu’un qui a bonne conscience dort bien : « Une bonne conscience est un bon oreiller. » On dit d’ailleurs d’une personne qui dort bien qu’elle a une bonne conscience, qu’elle dort du sommeil du juste.
Lorsque quelqu’un, malgré les avertissements de sa voix intérieure, est quand même passé aux actes, la situation est différente. Il n’est pas calme et en paix. L’esprit ne cesse pas de considérer comme faux ce qu’a décidé le cerveau. Il n’accepte pas les justifications que l’intellect cherche à mettre en avant, telles que « Ce n’est pas si grave. », « D’ailleurs, tout le monde le fait. » ou « Ce qui est fait, est fait. », etc. Le bien-fondé des valeurs spirituelles est quelque chose de constant. L’esprit continue donc à désapprouver l’acte malfaisant qui a été commis et continue aussi à le faire savoir. La voix de la conscience n’intervient ainsi pas seulement lors de l’acte, mais également après celui-ci.
Avoir mauvaise conscience
Harcelée par la voix intérieure, la personne qui a fauté est intérieurement troublée et contrariée. Elle ne peut être en paix avec elle-même. On dit qu’elle n’a pas la conscience tranquille, que sa conscience la travaille. Cet état fait souffrir la personne concernée. Pour se débarrasser de cette oppression, certaines personnes tentent d’étouffer la voix de leur conscience. Elles remplissent leur vie de toutes sortes d’activités et de distractions, afin de ne plus laisser de place aux reproches de leur voix intérieure.
Cependant, le seul moyen de calmer sa conscience passe par l’acceptation de son erreur et la réparation des dommages causés. La personne soulage ainsi sa conscience et se libère d’un poids qui l’oppressait.
La voix de la conscience est une intuition qui vient de l’esprit et en possède les caractéristiques. Elle n’est pas l’aboutissement de réflexions menées par le cerveau. L’intuition se fait entendre d’un coup, spontanément. Ce qu’elle transmet se différencie et, le plus souvent, s’oppose aux conclusions de la pensée rationnelle. La voix de la conscience frappe aussi par l’évidence de son contenu. Celui qui l’entend sait que ce qu’elle dit est juste. S’il le rejette et n’agit pas en conséquence, ce n’est pas qu’il le considère comme faux, mais parce que ce qui lui est dit ne lui plaît pas. Il fait passer ses désirs personnels avant ce qu’il sait être juste. La mauvaise conscience qu’il ressent après coup témoigne de ce conflit entre ce qu’il sait qu’il aurait dû faire, car juste et bon, et ce qu’il a effectivement fait.
Témoignages
À toutes les époques, des grands hommes ont témoigné de l’existence de la voix intérieure et de l’aide qu’elle leur a apportée.
Le philosophe grec Socrate (5e siècle av. J.-C.) dit, en personnalisant la voix intérieure : « Par la grâce de Dieu, je suis habité depuis mon enfance par un être à demi-divin dont la voix me dissuade parfois d’entreprendre certaines démarches. »
Mahatma Gandhi (1869-1948), en parle en ces termes : « Ce que j’ai entendu était comme une voix lointaine et pourtant assez proche. Elle était aussi nette qu’une voix humaine qui me parlait, et irrésistible […] Pour moi, la voix était plus réelle que ma propre existence. Elle ne m’a jamais trompé, ni d’ailleurs personne d’autre. Et chacun qui le veut peut entendre cette voix. » Le compositeur Johannes Brahms (1833-1897) en parle comme d’un chuchotement : « Dans les profondeurs du cœur humain, de manière un peu inconsciente peut-être, quelque chose chuchote souvent. »
Pour Alfred de Musset (1810-1857), le poète français, cette voix qui chuchote est « la voix du cœur qui seule au cœur arrive », et pour Rainer Maria Rilke (1875-1926), le poète autrichien, « quelque chose au fond de notre être qui veut atteindre l’homme en moi ».
Carl Gustav Jung (1875-1961), le psychologue suisse, reconnaît l’existence de la voix intérieure, mais aussi la difficulté qu’il y a à l’entendre lorsque la pensée rationnelle occupe trop de place : « Quelque part, tout au fond de notre propre être, on sait généralement où on doit aller et ce que l’on doit faire. Mais il y a des moments où le clown que nous appelons « je » se comporte d’une manière si gênante que la voix intérieure ne peut faire sentir sa présence. »
La nécessité de suivre sa voix intérieure est soulignée par l’écrivain Hermann Hesse
(1877-1962) : « Aussitôt que les voix intérieures commencent à parler […] livre-toi à elles. Ne demande pas d’abord si c’est permis, ou ferait plaisir à tes professeurs, ton père ou à quelque dieu. Tu te perdrais si tu faisais cela. »
On n’écoute pas toujours la voix de sa conscience. Dans son autobiographie, le compositeur Richard Wagner (1813-1883) raconte comment, pour son plus grand malheur, il n’a pas écouté son intuition qui l’exhortait à renoncer au mariage qu’il envisageait :
« À cette époque, je n’avais qu’un faible pressentiment du pas fatal que je faisais en l’épousant. Ses qualités agréables et apaisantes avaient encore un effet bénéfique sur moi, si bien qu’avec la frivolité qui m’était propre, ainsi que l’obstination avec laquelle je faisais face à toute opposition, je fis taire ma voix intérieure qui, menaçante, annonçait le désastre. »
Le non-respect de la voix de la conscience conduit à des tourments et des conflits intérieurs dont de nombreux auteurs se sont fait l’écho dans leurs écrits.
Un exemple célèbre de conflit avec sa conscience est celui que relate Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) dans ses Confessions. Trouvé en possession d’un ruban qu’il avait volé à la femme de chambre de la maison dans laquelle il travaillait, J.-J. Rousseau accuse faussement l’une des servantes. Le maître de la maison met à la porte la servante en question, mais n’étant pas sûr que ce soit véritablement elle la coupable, il rajoute que de toute façon, « la conscience du coupable vengerait assez l’innocent ».
Et J.-J. Rousseau d’écrire dans ses Confessions : « Sa prédiction n’a pas été vaine ; elle ne cesse pas un seul jour de s’accomplir […] Ce souvenir cruel me trouble chaque fois et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime, comme s’il n’était commis qu’hier. […] Cependant, je n’ai jamais pu prendre sur moi de décharger mon cœur de cet aveu dans le sein d’un ami […] Ce poids est donc resté jusqu’à ce jour sans allégement sur ma conscience, et je puis dire que le désir de m’en délivrer en quelque sorte a beaucoup contribué à la résolution que j’ai prise d’écrire mes confessions. » (Les confessions, livre II)
Richard Wagner raconte dans sa biographie que la voix de sa conscience ne le laissa plus tranquille depuis qu’au cours d’une soirée d’étudiants qui finit en bagarre, il s’était lâchement joint à un groupe de camarades pour frapper une victime solitaire et sans défense : « Je raconte cet incident pour expier un péché qui depuis ce moment a toujours pesé très lourdement sur ma conscience. »
L’américain Mark Twain (1835-1910), dans une lettre à sa famille, raconte comment il cherche à étouffer la mauvaise conscience qu’il avait pour avoir mal traité son frère Orion et sa famille : « Mon esprit est rempli de ma conduite indigne envers Orion et envers vous tous, et une conscience accusatrice ne me laisse de paix que dans l’agitation et les déplacements constants. »
Dans un passage de son roman Tom Sawyer, Mark Twain raconte comment son jeune héros et ses amis ne trouvent pas le sommeil à cause de leur mauvaise conscience et comment, grâce aux bonnes résolutions qu’ils prennent, ils réussissent à la calmer : « Ils auraient bien voulu s’assoupir, mais leur conscience était là pour les tenir éveillés malgré eux. Petit à petit, ils en arrivent à penser qu’ils avaient eu tort de s’enfuir. Et puis, ils n’avaient pas que cela à se reprocher. Ils s’étaient bel et bien rendus coupables en emportant qui un jambon, qui un quartier de lard […] Afin d’apaiser leurs remords, ils décidèrent en eux-mêmes de ne jamais souiller leurs exploits de pirates par des vols de ce genre. Leur conscience leur accorda une trêve, et plus tranquilles, ils finirent par s’endormir. »
* * *
La voix de la conscience ne nous dit pas ce que les êtres humains considèrent comme bien ou mal et qui varie d’une culture à une autre, mais ce qui est bien spirituellement, c’est-à-dire dans l’absolu. Cette faculté intuitive vient de l’esprit. Elle se développe et s’affermit grâce aux expériences vécues. Nous la percevons d’autant mieux que nous aspirons intérieurement à l’entendre afin de nous diriger d’après elle.
Christopher Vasey
Article basé sur les connaissances du Message du Graal
http://messagedugraal.org