Le corps, gardien des mémoires cellulaires

Notre corps serait le fidèle gardien des souvenirs enfouis qui ont balisé notre existence, notre naissance, voire des expériences de nos parents et de nos ancêtres. « À notre insu, le corps porte dans nos cellules notre mémoire, qui va résonner avec régularité au fil du temps », a pu observer la psychothérapeute Myriam Brousse, pétillante octogénaire soutenant l’existence d’une mémoire corporelle inconsciente, dite « cellulaire ». Sous l’influence de stimuli subtils (des stress ou des événements en lien avec le choc initial), ces mémoires « réactivées » entraînent des comportements inadaptés et parfois des pathologies, comme des maux de dos, des migraines épouvantables, ou de profondes dépressions.


Cette découverte a pour origine la déclaration d’un cancer des ovaires, à l’aube de ses quarante ans, qui va bouleverser sa vie. C’est à l’issue d’un voyage au bout de son corps jusqu’aux confins de la souffrance et de plusieurs rencontres qu’une nouvelle compréhension émerge, éclairée par les travaux de Mère et de Sri Aurobindo. Il y a tout d’abord celle d’un maître tibétain, puis d’une mathématicienne, artiste peintre, pianiste et pionnière des réflexions sur la mémoire cellulaire, et enfin d’un maître indien, philosophe et adepte du yoga intégral. Selon eux, pour se libérer, il faut descendre dans le corps, lui redonner la parole, l’écouter, même si c’est souvent éprouvant…

Il s’agit de recontacter la blessure originelle pour l’accepter et la transformer, dans un choix conscient, grâce à des outils spécifiques de la méthode, comme la grille de vie et la biorésonance cellulaire. Ainsi, nous pouvons nous libérer des répétitions et tracer en conscience notre chemin de vie. Avec bienveillance, assurance et une profonde douceur, Myriam Brousse nous convie à un long voyage intérieur qui va nous demander courage et détermination, pour accéder enfin à notre projet-sens, celui de notre âme.

Votre approche est fondée sur l’existence des mémoires du corps. Et si nous retournions au point de départ : quelle a été l’origine de vos recherches ?


C’est à l’issue d’une très grave maladie, vers 39-40 ans, que j’ai pu entamer un chemin de guérison par un travail précisément dans le corps. J’ai été guidée par mon maître tibétain, pionnier à l’époque des travaux sur la mémoire cellulaire, pour aller plus loin dans le corps, là où était la partie souffrante, la programmation du cancer. Il tirait son enseignement des travaux de Sri Aurobindo et de Mère. Bien avant les découvertes sur l’ADN, Mère, Mirra Alfassa de son vrai nom (Paris 1878 – Inde 1973) s’interrogeait déjà sur cette mémoire cellulaire vibratoire qui garde l’empreinte de toutes nos expériences passées. L’une de ses phrases a toujours guidé mes propres recherches : « Le passage est dans le corps ! »

Comment définiriez-vous cette notion de mémoire cellulaire ?


La mémoire cellulaire contient les informations qui sont inscrites dans la cellule du corps, à l’insu du mental, qui lui n’y a pas accès. Notre corps engramme tout ; en lui sont contenues toutes nos pensées, nos empreintes de l’âme. Il nous livre avec exactitude notre histoire biologique et terrestre. C’est notre bibliothèque, comme l’affirmait Mère. C’est-à-dire qu’il garde en mémoire également les histoires de nos parents, et celles de nos ancêtres. Du point de vue cellulaire, le corps est cet incroyable réceptacle.

Ainsi, vous remontez même aux mémoires intra-utérines. Qu’est-ce que le corps mémorise ?


Pour commencer, la mémoire du corps contient ce que j’appelle « la descente en incarnation », qui tient compte du père et de la mère. Le ventre de la mère, qui accueille l’enfant, contient la mémoire de l’acte sexuel des parents lors de la conception. Comment cet acte sexuel a-t-il été produit ? Est-ce qu’il a été plein d’amour, subi, dans le plaisir, ou violent ? Et l’enfant, l’être est marqué par cette empreinte. Elle est précisément ce qu’il est venu travailler…


C’est la fameuse empreinte fœtale ?


Tout à fait ! À laquelle vont s’ajouter les différents événements qui auront lieu pendant les neuf mois de la gestation. Toute notre vie fœtale est inscrite dans nos cellules. Et puis après, il y a la naissance, ce passage. Là aussi, son déroulement laisse une empreinte. Une naissance longue, les forceps, le cordon autour du cou, une césarienne, ou une naissance naturelle et facile. Tout s’imprime dans le corps, dans la matière du corps.

Extrait du Magazine INEXPLORE 2021

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« Sorcière », « sainte », « illuminée »

 Ces termes désignent des femmes en lien avec un surnaturel diabolique ou divin, des représentations du féminin en relation directe avec la justice de l’Église. Mais à l’inverse du titre de Sainte que seuls Rome et le pape peuvent accorder, les deux autres termes relèvent d’une décision de la justice inquisitoriale espagnole du Siècle d’Or et renvoient à la nature d’un délit synonyme d’hérésie.

S’interroger sur les pouvoirs féminins soulève la question du danger que représente le sexe « faible ». Pour l’Église, la Femme a toujours posé le dilemme chair-esprit sur le chemin de la perfection spirituelle : chemin que chrétiens vertueux et censeurs se sont évertués à encadrer. Or, héritières de cette tradition créatrice de repères sociaux, les valeurs attribuées à la Femme dans les discours religieux, juridiques et sociaux reflètent un paradoxe. Elle peut être vénérée pour sa virginité, pour son don à la famille et à Dieu, tout en pouvant être soupçonnée d’être le double du diable lorsque celui-ci se manifeste. Être défini comme ambivalent, sa vie, ses actes, son quotidien deviennent instinctivement craints et suspects. Rien d’étonnant, alors, que certaines femmes en « faute », religieuses vertueuses de grande piété ou simples ignorantes égarées dans la foi aient pu avoir ceci en commun : les soupçons que leurs actes ont éveillés à un moment donné.

L’étude des femmes vénérées de leur vivant, « saintes vivantes », ainsi que la construction de leur identité est également un des thèmes qu’explore l’historienne Isabelle Poutrin dans son ouvrage capital sur l’approche de la sainteté féminine à l’époque moderne à partir des écrits de femmes mystiques espagnoles . Par une approche historique fondée sur un vaste corpus de textes, elle se penche sur la fonction de ces écrits dans l’élaboration d’une réputation de sainteté.

Lorsqu’on évoque encore aujourd’hui la figure de la sainte, les premiers éléments qui viennent à l’esprit dépeignent l’image d’une entité exceptionnelle par son dévouement à Dieu et aux autres, sa patience, sa générosité, son sacrifice. Celle-là même que le Malleus Maleficarum au XVe siècle opposait à la perversion de la sorcière. Cependant, la Sainte est avant tout une religieuse dont la vie de souffrance et d’abnégation pour servir Dieu est reconnue par ses pairs comme exceptionnelle après sa mort, comme ce fut le cas avec la Sainte d’Avila. Mais avant cela, le premier pas sur ce chemin était celui du choix d’une vie vouée à Dieu. Car la Sainte est cette contemplative qui consent à se consacrer à la Foi et à mener une vie « parfaite » dans l’imitation des modèles vertueux que propose l’Église. À partir du Haut Moyen Âge se développe un modèle féminin de perfection qui inspire de nombreuses religieuses autour de la foi mystique.

La pauvreté féminine cause de tromperie

Cependant, avant même que l’influence qu’elles pouvaient exercer sur autrui soit perçue comme une menace religieuse, certaines femmes plus que d’autres représentaient un danger d’autant plus réel que les conditions de vie dans lesquelles elles se trouvaient pouvaient être à la source du désordre.

Plus précisément, dans sa définition de la pauvreté, l’historien Michel Mollat, instigateur des recherches sur la pauvreté au Moyen Âge, mettait en évidence la diversité de sens et de formes qu’embrasse la notion de « pauvres » : Le pauvre est celui qui, de façon permanente ou temporaire, se trouve dans une situation de faiblesse, de dépendance, d’humiliation, caractérisée par la privation des moyens, variables selon les époques et les sociétés, de puissance et de considération sociale : argent, relations, influence, pouvoir, science, qualification technique, honorabilité de la naissance, vigueur physique, capacité intellectuelle, liberté et dignité personnelles. Vivant au jour le jour il n’a aucune chance de se relever sans l’aide d’autrui. Une telle définition peut inclure tous les frustrés, tous les laissés pour compte, tous les asociaux, tous les marginaux ; elle n’est spécifique d’aucune époque, d’aucune région, d’aucun milieu. Elle n’exclut pas non plus ceux qui, par idéal ascétique ou mystique, ont voulu se détacher du monde ou qui, par dévouement, ont choisi de vivre pauvres parmi les pauvres .

Le thème de la sorcière est certainement un des sujets qui fit couler beaucoup d’encre entre 1570 et 1650. Ennemie tapie au cœur de la communauté, c’est pour repérer sa présence que bon nombre de traités se sont évertués à la définir, malgré un monde religieux espagnol où primait davantage le scepticisme.

La sorcellerie : une activité féminine La magie a toujours entretenu un lien trouble avec la religion, dès les premiers temps du Christianisme1 . Au Moyen Âge, la magie et la science se croisaient sans que la limite précise entre les deux fût très claire. En effet, s’interrogeant sur l’incidence qu’a pu avoir la culture magique pendant le Moyen Âge, Ernesto García Fernández explique que « la ideología y la creencia condicionaban el concepto de ciencia. La ciencia era identificada con conocimientos socialmente aceptados como buenos » . La religion intercédait quelquefois en proposant une lecture théologique des connaissances que ce domaine pouvait amener. En revanche, les apports ou les connaissances que la magie était susceptible de pouvoir apporter étaient beaucoup plus controversés. Car cette dernière entraînait derrière elle tout un cortège de superstitions, de sortilèges, d’hechicerías et autres genres d’arts venant aussi bien des élites que du peuple. Et même si l’usage de telles pratiques devait certainement être relativement commun, il n’en reste pas moins que pour ceux qui prenaient en charge l’éducation des fidèles elles étaient inconcevables . Ainsi, dès le IXe siècle, la magie savante tend à apparaître aux yeux du magistère comme l’œuvre de malefici ou de sorciers populaires .

Il y a des femmes méchantes qui, retournant à Satan et séduites par les illusions et les fantômes des démons, croient et avouent ouvertement qu’aux heures de la nuit elles chevauchent certains animaux, en compagnie de Diane, la déesse des païens, avec une multitude innombrable de femmes […] .

Toutefois, c’est lorsque la sorcellerie devient une forme d’hérésie décrétée par la bulle du pape Jean XXII en 1326, et devant être poursuivie et punie comme telle, que plusieurs pays se lancent dans la recherche des femmes sorcières. Car l’hérésie, doublée d’une peur viscérale de la présence du diable et du péché, hante les plus fervents défenseurs de l’orthodoxie.

EXTRAITS de La sorcière, la sainte et l’illuminée : les pouvoirs féminins en Espagne à travers les procès (1529-1655) Anny Canovas

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