Échelle émotionnelle vibratoire


Dans l’infiniment petit, l’atome est fait d’un noyau et d’électrons qui gravitent autour à une certaine vitesse et fréquence. D’après Sandrine Muller-Bohard, tous les atomes d’une personne bougent au même rythme, et chaque personne a sa signature vibratoire, sa fréquence qui lui est propre. Ce qui peut la modifier, ce sont justement les émotions qui vont créer une friction. Nous devons donc vivre les émotions pour changer, pour évoluer.

Les émotions régissent le monde puisqu’elles nous gouvernent. Nous sommes conscients qu’il nous faudrait trouver le moyen de ne plus y être soumis, sans pour autant les faire disparaître. Comment fonctionnent les émotions, au regard de la philosophie, de l’ego, du karma ? Et si comprendre leur mécanisme était un premier pas vers la sagesse ?

Du latin movere, mettre en mouvement, le mot « émotion » indique étymologiquement une notion de remuement. Quelque chose se meut en moi, quelque chose est déplacé, et ce glissement provoque un trouble physique et/ou mental. Bien sûr, s’il y a mouvement, il y a production d’énergie qui elle-même se déplace et doit « aller » quelque part. S’élève alors dans la conscience, au moment de l’émotion, une construction de pensée qui se plaque sur un référentiel du type « j’aime » ou « je n’aime pas », résultant de nos mémoires ou en générant immédiatement une, si l’expérience est nouvelle. C’est cet amoncellement de mémoires engrammées dans notre psyché, nos cellules et notre corps qui crée la dualité, notre rapport au monde et toutes les conséquences de nos actes, qui se traduisent ensuite en karma. Ce phénomène se reproduit sans cesse, depuis des temps immémoriaux, et, s’il participe à une forme d’emprisonnement, il offre aussi des portes de sortie s’il y a transformation et prise de conscience. Tout chemin spirituel tend à se méfier des émotions ; voyons pourquoi et comment elles émergent, quel ping-pong mental se met en place et comment elles peuvent être utilisées.

La dualité et les mémoires


Si l’on se tourne vers les spiritualités de l’Orient, qui ont des grilles de lecture intéressantes concernant les phénomènes mentaux, on ne trouve pas le concept d’émotion tel qu’il est dépeint chez nous. C’est le terme sanskrit klesha, signifiant « passions » ou « afflictions », qui est utilisé le plus souvent dans le bouddhisme comme dans le Yoga sutra (voir encadré). Klesha sous-entend souffrance, cependant, il est aussi possible d’en faire le terreau de l’évolution, pour peu que l’on en comprenne le fonctionnement. Pour cela, il faut envisager comment se crée le moi, ou ego, celui qui va réagir dans l’expérience et ressentir les émotions : « Il est un vaste tissage des mémoires du monde qui fait qu’en un lieu de conjonctions apparaît : moi », explique l’enseignement millénaire indien, le Sāmkhya Kārikā. Ce moi entre en interaction avec tout ce qui est autre que lui-même, à l’aide de ses cinq sens et de ses mémoires.

C’est ici qu’apparaissent les passions, les « émotions », les jugements de ce que nous rencontrons. Les cinq sens, c’est le corps qui « discrimine » immédiatement les sensations en agréables ou non, neutres éventuellement. Il aura tendance à vouloir réitérer ce qu’il apprécie et fuir le reste ; ici se crée une mémoire, qui s’associe aux anciennes qui nous constituent, nos vies antérieures. Ainsi, nous avons une polarité intrinsèque qui oscille entre désir et peur face aux expériences : c’est être pris dans la dualité. Nous ne sommes pas dans la vraie rencontre, mais dans un jugement. « Tant que je réitère l’expérience selon une représentation heureuse et tant que je crois qu’il faut fuir une représentation malheureuse de l’expérience, je recommence selon un cycle conditionné aux mémoires, c’est l’enfermement dans l’existence », explique Joachim Vallet, enseignant du Yoga sutra. La souffrance viendrait de la fuite ou de l’avidité, ou encore des réactions excessives que génèrent les émotions.

Dans les enseignements de yoga, « le dysfonctionnement consiste à être dans un désir conditionné par l’attraction ou l’aversion, alors qu’une relation véritable devrait nous nourrir, nous enseigner. Être vraiment en relation, de cœur à cœur, produit une connaissance qui n’est pas une mémoire conditionnante, c’est samadhi, ce qui est nommé Éveil. Sinon, c’est l’identification aux mémoires, à leurs versants illusoires qui nous prennent alors que nous sommes dans l’émotion », précise Joachim Vallet.

Nous serions « parfaits », nous serions « divins » et nous pourrions voir cela, mais selon cette philosophie millénaire, nous dysfonctionnons parce que nous réagissons en fonction de ces mémoires – appelées conditionnements –, ce qui voile notre vue et nous détache du divin, de la roue cosmique.

S’envisager en unicité


Alors, devons-nous essayer de nous débarrasser des émotions, puisqu’elles sont source de confusion et d’illusion ? Il est utopique de s’imaginer que cela est possible, parce qu’elles constituent un fonctionnement naturel de notre esprit issu de notre saisie égotique. Il ne faut pas oublier que c’est aussi cet ego qui nous permet de grandir, de sauver notre peau, de nous constituer. Tout le paradoxe réside là : nous avons besoin de notre ego et la nécessité de ne pas nous y soumettre. De plus, celui-ci nous « sépare » en créant l’illusion de sa toute-puissance. Le lama bouddhiste Jigmé Rinpoché explique :

« Chacun d’entre nous pense exister séparément des autres. Le “je”, le “moi” est vécu comme distinct de l’autre. Ce “je” ressens l’émotion en fonction des circonstances qui lui sont propres, c’est ainsi que le “je” se trouve à la racine de l’émotion. “Je suis heureux”, par exemple, signifie “mon moi est heureux”. Nous avons une opportunité de reconnaître la saisie égotique à travers la manifestation des émotions. »

L’influence des émotions est si forte que nous les prenons pour réelles et nous nous identifions à elles. Cela renforce la saisie égotique, nous sépare des autres, et nous oublions la rétribution karmique de nos actes, que ce que nous faisons aux autres, finalement, nous nous le faisons à nous-mêmes. Mais en « retournant » la situation, elles peuvent nous permettre justement d’envisager tout ce mécanisme, et de transformer leur puissante énergie en moteur de changement.

Le maître vietnamien Thich Nhat Hanh explique cela très bien :

« Comme le jardinier sait transformer le compost en fleurs, nous pouvons apprendre à transformer la colère, le découragement et les préjugés en amour et compréhension, c’est là le travail de la méditation. »

Les blessures karmiques


Si nous considérons qu’un certain nombre d’émotions nous « dépassent » et sont de l’ordre d’un ressenti qui semble ne pas trouver d’écho dans cette vie-ci, il est possible qu’elles relèvent d’une vie antérieure. C’est le postulat de quelques thérapeutes, dont Sandrine Muller-Bohard fait partie. Selon elle, un traumatisme d’une autre vie et l’émotionnel qui y est rattaché peuvent avoir des conséquences pour nous aujourd’hui, voire nous entraver complètement.

« On traverse une période où les gens peuvent avoir l’intuition de leurs vies antérieures malgré le voile de l’oubli, parce qu’on n’est pas censé se souvenir de tout, sinon on ne pourrait pas avancer. Mais pour faire du neuf, il faut se départir de couches d’oignons. Parfois, on reçoit l’information par des rêves, sinon on peut faire appel à un thérapeute qui a accès à ce savoir. Prendre conscience, ça peut régler certaines choses », explique-t-elle, mais souvent cela ne suffit pas, il faut agir « sur » et « avec » la personne.

Il existe de nombreuses techniques, comme l’EFT, l’hypnose régressive, ou des rituels personnalisés par certains guérisseurs. Le but étant dans un premier temps de relier le champ émotionnel à l’événement qui s’est produit de manière à comprendre les réactions dans le présent, mais aussi de libérer l’émotion associée.

 « Le rituel est émotionnellement très chargé : il se produit une friction des atomes (voir encadré). Pour qu’il y ait guérison, il faut qu’il y ait des émotions qui changent l’état de la personne. À l’époque du trauma, la personne a dû mettre un pansement pour avancer. Chaque vie antérieure est un anneau engrammé dans notre aura. Mon rôle est “d’alchimiser”, en utilisant les vibrations du tambour par exemple, les fréquences vibratoires émotionnelles. Je réactive les mémoires de cette vie, afin de faire muer la personne comme un serpent, couper les fils et faire le nettoyage énergétique », raconte Sandrine Muller-Bohard.

Il y a une libération énergétique qui se fait grâce à l’émotion : « L’émotion, c’est l’énergie qui a le pouvoir de mettre en mouvement, il faut une émotion pour libérer quelqu’un, quelle qu’elle soit », conclut la thérapeute.

Désir, manque ou ennui ?


D’aucuns pourraient également penser que la vie serait bien morne et ennuyeuse sans les émotions. C’est d’ailleurs la posture platonicienne, qui met en relation le désir avec le manque et l’ennui découlant de l’obtention de ce que l’on désire. Un cycle infernal qui se reproduit sans cesse, nous plaçant dans une course-poursuite perdue d’avance. Soit je désire, donc je suis en manque de quelque chose et je souffre, soit j’obtiens ce que je désirais et de fait je ne le désire plus, donc je m’ennuie et me dépêche de désirer autre chose. Les émotions seraient régies par ce désir, nous poussant ou nous repoussant, provoquant colères, frustrations, tristesse ou joie éphémère. Même si Spinoza nuancera ce phénomène en introduisant le concept de conatus – la puissance dans la jouissance de ce que l’on obtient –, l’humain n’en demeure pas moins prisonnier de ses quêtes infinies.

S’observer, comprendre le chemin emprunté par le désir et les émotions, leur répétition et leurs résultats permet le recul pour s’y sentir moins piégé.

L’enseignante Pema Chödrön explique que nous devons être prêts à travailler avec nos émotions, même les plus noires, faire l’expérience de celles-ci pour comprendre notre nature de « bouddha », notre potentiel d’éveil. « Les émotions par essence sont seulement de l’énergie pure, mais à cause de notre perception dualiste, nous identifions l’émotion et nous l’enfermons. L’énergie devient figée », enseigne-t-elle. Toute la subtilité est de s’autoriser à ressentir l’énergie, au lieu de la penser, explique-t-elle.

Ainsi, l’émotion pourra passer son chemin et nous laisser son enseignement. Nous ferons alors l’expérience de ce qui fait notre nature, notre complexité que nous devons accueillir et non combattre.

 Comme disait Ponlop Rinpoché : « Tant que vous n’aurez pas commencé à comprendre que les choses défavorables et déplaisantes devaient faire partie de votre méditation, en partie du moins, vous ne serez pas en mesure d’être sur la voie de l’éveil. » S’observer, s’autoriser, laisser passer… Ne pas saisir ni s’identifier à ce qui advient, voilà peut-être le meilleur moyen de prendre conscience des phénomènes et de notre paradoxale complexité.

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