Découverte des RAYONS X

La découverte des rayons X, si prodigieuse à la fois en elle-même et pour ses applications médicales, est le résultat – comme beaucoup de grandes découvertes –  sinon d’un hasard, du moins d’un de ces petits faits spontanés dont seuls les grands esprits perçoivent immédiatement l’importance.

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En 1895, Roentgen, professeur de physique à l’université de Würzburg, vit des cristaux de platinocyanure de barium s’illuminer au voisinage d’une ampoule de Crookes pourtant protégée par une enveloppe imperméable à la lumière. Il en conclut que l’ampoule devait émettre des rayons à propriétés tout à fait nouvelles et auxquels, parce qu’il en ignorait la nature, il donna le nom de Rayons X. il vit que ces rayons pouvaient traverse une planche de bois de plusieurs centimètre d’épaisseur et un volume épais d’un millier de pages. Il vit aussi, peut-être par hasard, qu’ils pouvaient impressionner une plaque photographique. Partant de là, il réalisa le 22 décembre la première radiographie qui montrait la main de Mme Roentgen. Il rédigea aussitôt un mémoire qui fut déposé à la Société de Physique médicale de Würzburg le 28 décembre 1895.

Roentgen, qui n’était pas médecin, laissa à d’autres la tâche d’utiliser les nouveaux rayons. Contrairement à bien des exemples du passé, la découverte fut accueillie avec enthousiasme par le monde entier. Dès le mois de janvier 1896, des radiographies furent montrées dans diverses sociétés savantes en Allemagne, en Autriche, en Angleterre.

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A Paris, un dermatologue, Barthélemy, avait eu vent de la découverte de Roentgen par la Frankfurter Zeitung du 5 janvier ; il voulut que la France fut une des premières nations à y participer ; il s’entendit avec un physicien, son ami Oudin, et à eux deux, refirent les expériences de Roentgen avec une telle rapidité qu’ils pouvaient, le 21 janvier 1896, apporter eux aussi à l’Académie des Sciences la radiographie d’une main.

A titre de curiosité, signalons que le 6 février, le jeune accoucheur Bar, faisant une radiographie du porte-monnaie de son maître Tarnier, y découvrit deux clous et s’attira une réprimande du Doyen pour cette « mystification ».

Les applications médicales suivirent immédiatement et d’abord sur le terrain de la pathologie externe ; puisque la radiographie montrait le squelette osseux, elle devait pouvoir révéler les fractures et diverses lésions des os. Dans les premiers mois de 1896, on montre dans tous les pays des clichés, non seulement de fractures, mais d’ostéomyélites, de tumeurs ou de tuberculoses osseuses. En France, ce sont encore Oudin et Barthélemy qui ouvrent la voie avec des communications présentées par Lannelongue à l’Académie des Sciences le 27 janvier et le 10 février. Et bientôt les travaux ne se comptent plus.

En pathologie interne, on comprit très vite l’utilité de la nouvelle technique. A Vienne, le 27 janvier, Neisser indique les services que peut rendre la radiographie pour le diagnostic des calculs rénaux et biliaires et le 17 février Hoppe-Seyler montre à Kiel, sur une pièce d’amputation, les calcifications de vaisseaux artérioscléreux. En France, le grand initiateur fut Antoine Béclère. Ses travaux antérieurs avaient une direction toute différente puisque, le 10 janvier 1896, à la naissance de la radiologie, il publiait à la Société médicale des Hôpitaux de Paris des recherches sur la sérothérapie de la variole. Mais il assista en février 1896 à une réunion chez Oudin où celui-ci fit regarder à ses hôtes le thorax de la vieille cuisinière. Béclère y reconnut la cicatrice d’une ancienne lésion tuberculeuse, y vit comme il le dit lui-même, le chemin de la Terre promise, et commença dans son service de l’hôpital Tenon la première étude radiologique systématique du poumon et du cœur. Un peu plus tard Kelsch montrait avec Boisson chez cent vingt-quatre jeunes soldats de l’hôpital Desgenettes l’intérêt d’un dépistage systématique de la tuberculose par les rayons X.

Il est toujours émouvant, quand une méthode a atteint un haut degré de développement, de rappeler ses premiers pas. Les pionniers ont connu de nombreuses difficultés et ne les ont vaincues qu’à force de patience, de ténacité et de foi. Les premiers appareils étaient extraordinairement rudimentaires, et il fallait près d’une heure de pose pour obtenir une image nette d’une main ; les installations ne l’étaient pas moins ; et toute protection faisait défaut. On ne savait pas au début, mesurer la quantité du rayonnement reçue par la peau et c’est seulement au deuxième Congrès international de radiologie médical tenu à Berne en 1902 que Holtzknecht apporta son chromoradiomètre qui est, à ce point de vue, le premier appareil de mesure.  Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les rayons aient fait, surtout chez ces pionniers, de nombreuses victimes. Leurs dangers furent très vite connus et les premières radiodermites décrites dès 1897, ainsi que la dépilation. On s’aperçut ensuite que ces lésions étaient progressives et pouvaient dégénérer en cancer ; trop nombreux sont hélas les radiologistes qui ont payé leur ardeur au travail par des mutilations successives et souvent par une mort cruelle. Les premières victimes ne furent d’ailleurs pas des médecins, amis des ouvriers et des constructeurs exposés plus encore à un danger qu’ils ne soupçonnaient pas. Comme Radiguet, qui mourut en 1905 d’un cancer progressif. Son aide Ducretet devait succomber peu après à un cancer de la face.

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L’opinion publique fut lente à s’émouvoir puisque c’est seulement en 1934 que la loi réserva l’emploi diagnostique et thérapeutique des rayons X aux médecins.

La nouvelle science marcha à grands pas. Béclère organisa à partir de mars 1897, le premier enseignement de la radiologie et le premier Congrès se tint à Paris en 1900. Les pionniers allemands Rieder et von Ziemssen publièrent à partir de 1901 un grand atlas de radiologie et le premier traité de radiologie médicale parut en 1904 sous la direction de Bouchard. Des sociétés radiologiques se créèrent partout dans le monde, la première en Angleterre en 1897, puis en Allemagne et aux Etats Unis en 1905. La société française ne date que de 1908, les problèmes radiologiques  étant jusque-là discutés au sein de la Société d’électricité médicale. En même temps, de nombreux progrès techniques, qu’il est impossible de résumer ici, amenaient peu à peu la radiologie au point où elle est aujourd’hui.

Un de ces procédés mérite pourtant une mention, c’est la tomographie. Lorsqu’on fait une radiographie du thorax, la plaque enregistre les détails de structure de toute l’épaisseur du poumon. La méthode tomographique consiste à mettre au point sur une tranche déterminée du poumon à l’exclusion de tout le reste de l’organe ; on a ainsi des clichés successifs, montrant uniquement ce qui se passe à cinq, sept, neuf etc. centimètre de la paroi. Cette méthode, qui accroit considérablement la précision des examens, a été imaginée par un jeune interne parisien, André Bocage.

Le domaine de la radiologie a été considérablement étendu par l’opacification, au moyen de substances appropriées, de divers organes normalement perméables aux rayons X et, de ce fait, invisibles. La radiographie, après opacification du tube digestif, de la vésicule biliaire, du rein, est ainsi entrée dans la pratique courante. On opacifie même les artères et il est possible aujourd’hui de voir directement le réseau artériel du cerveau et ses tares, réalisant ainsi sur le vivant ce que Ruysch et ses successeurs faisaient jadis sur les cadavres. La dernière conquête de cette méthode est la radiographie intra-cardiaque. On peut, à l’aide d’une sonde, introduite dans une veine du bras et poussée jusque dans le cœur, injecter une substance opaque dans le ventricule droit et suivre radiographiqemment la circulation dans les gros vaisseaux profonds du cœur. Des mesures de pression intracadiaque peuvent être prises simultanément et l’ensemble de ces explorations est devenu une des bases de la chirurgie cardiaque. Il est bon de rappeler à ce propos que le catéthérisme cardiaque avait été réalisé expérimentalement à la fin du XIXè siècle par Chauveau et par Marey.

Découverte de l’Endoscopie

Les diverses explorations se pratiquant à la surface extérieure du corps, les médecins ont voulu aller plus loin et accéder à une connaissance directe des diverses cavités et des divers appareils de l’organisme. C’est par l’examen gynécologique que cette évolution a commencé. Toute la médecine antique s’est préoccupée des maladies de l’appareil génital féminin et Hippocrate connaît les positons défectueuses de l’utérus, ses ulcérations, ses suppurations. Cela suppose déjà des possibilités d’exploration mais on est très mal renseigné sur l’origine de ces procédés. Le toucher vaginal est probablement antérieur aux descriptions qu’en font Arétée et Celse. Quant au spéculum, il est décrit pour la première fois au VIIè siècle dans la chirurgie de Paul  d’Egine qui lui donne le nom de dioptre. C’est déjà un instrument perfectionné avec deux valves qu’un aide fait ouvrir ou refermer à l’aide d’une vis. Il est certain que les Romains le connaissaient depuis longtemps puisqu’on en a trouvé dans les ruines de Pompei.

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Les Arabes ont également utilisé le spéculum, mais d’après la description d’Albucasis, il semble ne s’agir que d’un tube rigide en bois ou en métal, ne permettant pas la dilatation du vagin.

Au Moyen Age, le spéculum paraît avoir été peu employé. A partir du XVIè siècle le spéculum à plusieurs branches est de nouveau mentionné et Ambroise Paré en conseille fréquemment l’emploi. Choses curieuse, cet instrument si utile fut à peu près complètement abandonné pendant les deux siècles suivants et dut être presque réinventé par Récamier en 1812 ; ce fut d’abord un simple cylindre creux par lequel Récamier éclairait le col de l’utérus à l’aide d’une bougie. Cet appareil primitif fut très rapidement amélioré jusqu’à prendre l’aspect qu’il présente aujourd’hui.

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L’exploration des conduits plus étroits et plus profonds posait un nouveau problème. Il fallait y faire pénétrer des tubes minces et munis d’un système d’éclairage puissant. Les premiers endoscopes – c’est le nom général donné à ces instruments – ont été inventés en 1853 par Désormaux. Limités d’abord à l’urètre, à la vessie, à l’utérus, des perfectionnements techniques successifs ont permis de les étendre à tous les conduits de l’organisme ; on peut aujourd’hui voir directement ce qui se passe dans l’œsophage et l’estomac, dans la trachée et les bronches, dans le rectum et même ans la cavité abdominale. Si ces explorations sont parfois un peu pénibles pour le patient, cet inconvénient est largement compensé par la précision qu’elles donnent au diagnostic et par sa précocité. Des lésions naissantes peuvent être ainsi reconnues, à une époque où tous les procédés d’investigation classique restent muets. Et un traitement efficace est souvent la conséquence de ce diagnostic tôt posé.

Dans cette exploration directe profonde, il faut faire une place au laryngoscope inventé à Paris en 1855 par le professeur de chant Manuel Garcia et surtout à l’admirable instrument qu’est l’optalmoscope, imaginé par le grand physicien allemand Helmhjoltz dont le livre paru en 1851.

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Ici, grâce à un savant jeu de lentilles, c’est la membrane interne de l’œil dont l’image se trouve projetée à l’extérieur, devenant ainsi immédiatement accessible. Les aspects du fond de l’œil ainsi obtenus, la mesure de la tension artérielle rendu possible jusque dans les artères de la rétine, donnent des renseignements précieux dans de nombreuses affections. Restaient les parenchymes pleins, sans conduits extérieurs, comme le foie par exemple, et qui semblaient définitivement à l’abri de toute investigation. Là aussi l’ingéniosité de l’homme est venue à bout de l’obstacle.

On pratique aujourd’hui dans ces organes des ponctions à l’aide d’une aiguille ou d’un trocart et l’on examine au microscope, après un traitement convenable, les fragments de tissus ainsi retirés. C’est là une sorte d’autopsie sur le vivant, surtout si l’on prend ce mot dans son sens originel qui ne signifie nullement ouverture des cadavres, mais examen direct. Chez les anciens grecs, autopsie et expérience étaient les modes de l’examen personnel et l’opposaient à tradition qui est la simple acceptation des opinions antérieures.

Ces ponctions d’organes se pratiquent surtout au niveau de la moelle osseuse, du foie, des ganglions, de la rate, du testicule, du corps thyroïde. Elles permettent la constatation directe de lésions anatomiques qui n’ont parfois pas encore d’expression clinique ; elles donnent ainsi des renseignements toujours utiles et quelquefois indispensables pour porter un diagnostic et instituer un traitement. Cette visualisation des organes internes a été portée à un haut degré de puissance par la découverte des rayons X.